L'Atelier des 4 mains

Un métier d’humilité

Préserver l’œuvre,
son histoire et son avenir

Mon approche du métier

Le métier de restaurateur est pour moi un métier d’humilité. Nous sommes toujours face à un objet dont nous ne connaissons pas l’histoire. Nous devons chercher à la comprendre et rester humble. Notre rôle d’artisan est celui de passeur : faire vivre un objet plus longtemps et le faire passer aux générations suivantes dans les meilleures conditions possibles.

Nous devons comprendre les matériaux, comprendre comment ils vivent les uns avec les autres, et comment nous allons pouvoir les faire revivre ensemble. Comment les soigner et trouver le bon équilibre.

Chaque objet étant différent, ayant une histoire et un passé différents, des matériaux constitutifs différents, nous n’avons jamais LA seule et bonne solution adaptable à chaque tableau.

Plusieurs façons de restaurer une œuvre

Pour chaque œuvre arrivant à l’atelier est l’objet une étude, d’un état des lieu. En fonction de cela, une restauration sera proposée. Il y a plusieurs façons de restaurer une œuvre, différentes sensibilités. Il est donc très important d’expliquer quelles interventions sont envisagées et pourquoi.

Mon métier m’a fait découvrir un aspect que je n’avais jamais envisagé pendant mes études : il est profondément humain. Un client qui passe la porte de l’atelier vient toujours avec quelque chose de précieux entre les mains pour lui. Il décide de nous faire confiance. Il s’agit donc d’être à la hauteur 🙂 !

 

Les trois grands principes de la restauration

La restauration est une discipline relativement récente telle qu’on la connaît aujourd’hui. En effet, elle a longtemps été une sorte de remise au goût du jour des œuvres existantes, souvent prise  en charge par des artistes eux même. Aujourd’hui, la restauration et la conservation répondent à une démarche réfléchie (Cesare Brandi en est une figure emblématique). Elles s’appuient sur trois grands principes.

La réversibilité

D’abord la réversibilité. C’est le mot d’ordre de la restauration d’œuvres d’art. Je pense que  l’humilité et l’expérience du passé, ont démontré qu’une intervention (un adhésif, une technique, etc.) que l’on jugeait bonne à un moment donné, ne l’était plus 50 ou 100 ans plus tard aux vues  des évolutions scientifiques et techniques. Nous devons donc répondre (nous qui intervenons  sur une œuvre et les matériaux qui la constituent) à ce principe. Dans la mesure du possible, chaque intervention réalisée doit être réversible. A présent, un autre restaurateur dans le futur doit pouvoir  ôter une retouche. Et cela sans mettre en péril le reste de l’œuvre. Le meilleur exemple de ce principe : nous (restaurateurs) n’utilisons jamais de peinture à huile pour faire nos retouches. Parce que celles-ci doivent pouvoir être retirées facilement sans mettre en danger la peinture à l’huile originale.

L’intégrité esthétique et historique de l’œuvre

Les autres grands principes sont le respect de l’intégrité esthétique mais aussi historique de  l’œuvre. Nous devons redonner une lisibilité à l’œuvre pour qu’elle soit compréhensible par les  yeux qui la regardent. Nous devons aussi accepter son intégrité historique. Sa vie en somme. Les  années et les siècles qu’elle a traversés. Nous devons accepter une œuvre telle qu’elle est. C’est  une problématique parfois. Car une peinture peut avoir traversé des époques et des modes avant d’arriver jusqu’à nous.

L’anecdote du corsage

Je vais prendre un exemple pour illustrer mon propos. Un portrait du  XVIIème est arrivé un jour à l’atelier pour être restauré. Cette œuvre étant assez ancienne, est arrivée jusqu’à nous avec des restaurations (c’est très  souvent le cas), des retouches, des repeints. On peut les observer sous différentes lumières, mais parfois l’œil et le temps restent nos meilleurs alliés. Un détail était frappant : le corsage présentait des dentelles différentes de celles des  manches. Rien de très intéressant n’était pourtant apparu à la lumière UV (ce type de lumière nous permet de mettre en évidence les couches superficielles de la peinture). La dentelle du corsage était plus en épaisseur et en faisant des tests de nettoyage, j’ai compris qu’il s’agissait d’un repeint. Un repeint « de pudeur », assez fréquent au XIXème. Que fallait-il faire ? Retirer ce repeint ? Mais si je l’enlève, je perds une partie de son histoire. Elle est très intéressante son histoire pourtant. Ce repeint est le témoin de cette histoire. Nous avons longuement discuté avec le propriétaire de cette œuvre. La décision de le retirer a été prise après beaucoup de réflexion. Notre argument pour ce choix ? Le repeint était clairement en dessous de la qualité de facture du reste de l’œuvre. Il était dommageable  pour l’intégrité esthétique de conserver l’intégrité historique.